105 planches du Muséum national d’histoire naturelle de France ont été détruites par les services de biovigilance du ministère australien de l’Agriculture. Une bévue qui constitue une perte scientifique et patrimoniale pour le monde entier.
Lagenophora stipitata
Spécimen type de Lagenophora stipitata collecté par le botaniste La Billardière en 1792 et détruit en mars dernier par les services sanitaires australiens.
MNHN-HERBIER NATIONAL, PARIS TYPE.
Le Département de l'agriculture et des ressources en eau australien a procédé courant mars 2017 à la destruction de 105 planches provenant de la collection de l'herbier du Muséum national d'histoire naturelle. "Parmi ces planches, se trouvent six "spécimens types", déplore Michel Guiraud, directeur des collections du Muséum national d'histoire naturelle (MNHN) de France. C'est-à-dire que nous avons perdu les plantes portant l'ensemble des caractères distinctifs de ces espèces et qui n'étaient conservées qu'au sein de l'herbier du muséum, soit une sorte de mètre étalon végétal valable pour le monde entier".
Que s'est-il passé ? "On n'en sait rien, nous avons demandé des explications aux services australiens et nous n'avons pas encore eu de réponse", poursuit Michel Guiraud. L'envoi des spécimens à l'herbier du Queensland situé à Brisbane, fait partie d'une routine pour l'herbier du MNHN. Cette institution qui recèle 8 millions de végétaux reçoit tous les ans 1300 scientifiques et expédie dans le monde entier plus de 1000 colis comme celui envoyé à Brisbane à la demande de scientifiques. Bien que venant d'être totalement numérisée et désormais accessible sur Internet, la collection est ouverte aux prêts. "Les chercheurs peuvent visualiser la plante qui les intéresse et décider que des examens plus approfondis, génétiques, isotopiques ou autres, sont nécessaires pour leurs recherches et imposent un examen du spécimen dans leur laboratoire", précise Michel Guiraud. La demande australienne est arrivée fin novembre, le paquet est parti en décembre et c'est le 7 avril seulement que le Muséum a appris qu'il avait terminé dans un incinérateur.
Quinze jours auparavant, la même mésaventure était arrivée à un colis de lichens rares provenant de Nouvelle-Zélande.
Les résultats de l'enquête ne permettront pas de réparer l'erreur. Et celle-ci est aussi scientifique que patrimoniale. Les plantes détruites ont été collectées en 1792 par le botaniste français Jacques-Julien Houtou de La Billardière. Il a ainsi prélevé des plantes en Afrique du Sud et en Australie avant d'être fait prisonnier en 1793 dans l'île de Java par les Hollandais alors en guerre contre la France. La collection de La Billardière, contenant plus de 4000 plantes dont les ¾ inconnues à l'époque, est alors saisie et renvoyée en Angleterre. Bien des années plus tard, elle lui sera restituée sous la pression du grand botaniste anglais Joseph Banks.
Tout envoi vers l'Australie est suspendu
Cette belle histoire de solidarité scientifique a donc fini dans les flammes. Elle permettait aussi au Muséum de répondre à bon nombre d'interrogations des botanistes australiens. Ces échantillons vieux de 230 ans constituent en effet un point de départ pour retracer les évolutions génétiques récentes de l'espèce en les comparant avec les plantes actuelles. On peut ainsi déterminer des changements de morphologie vis-à-vis du spécimen type. La botanique est principalement "une science de comparaison". Pour les Lagenophora, ce type de recherche n'est plus possible.
Sources : www.sciencesetavenir.fr